Table-ronde sur la critique de la presse

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Essai pour un vrai débat sur le maljournalisme

 

Bordeaux, le 5 avril 2004

Débat sur « les médias et leur critique » [1]

(Université de Bordeaux 2, Master en sociologie)

Transcription réalisée par Arnaud Rindel [2]   Débat animé par Marianne Schmitt et Christophe Geay, étudiants en sociologie à l’université de Bordeaux 2.  Intervenants :

- Didier Lapeyronnie, professeur de sociologie à l’université de Bordeaux 2,

- Dominique de Laage, responsable des pages locales « Bordeaux » du quotidien régional Sud Ouest,

- Yann Bureller, journaliste précaire en CDD, récemment diplômé de l’IUT de Bordeaux

- Dominique Pinsolle, membre de la commission Islam et Laïcité, mise en place par le Monde diplomatique et la Ligue des Droits de l’Homme,

- Jean-Pierre Tailleur, auteur de l’essai « Bévues de presse » (Editions du Félin, 2002),

- Arnaud Rindel, adhérent de l’association Action Critique Médias (Acrimed).

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Arnaud Rindel : J’aimerais commencer, simplement, par exposer rapidement le problème de la critique des médias, et le rapporter en particulier à la notion de démocratie.

Nous vivons dans une société qui se veut démocratique, autrement dit où les citoyens sont sensés exercer eux-mêmes leur souveraineté. Et dans notre société, cette souveraineté s’exerce au travers du choix libre qu’ils effectuent au moment des diverses élections. Or ce choix ne peut être libre que s’il est éclairé, c’est-à-dire effectué en connaissance de cause.

A ce sujet, je voudrais vous citer quelques lignes extraites des Principes internationaux de l’éthique professionnelle des journalistes, qui à mon avis résument parfaitement le rôle du journaliste dans ce cadre démocratique :

« La tâche primordiale du journaliste est de servir le droit du peuple à une information véridique et authentique par un attachement honnête à la réalité objective, en plaçant consciemment les faits dans leur contexte adéquat, en relevant leurs liens essentiels, sans entraîner de distorsions […] afin que le public reçoive un matériel lui permettant de se former une image précise et cohérente du monde, où l’origine, la nature et l’essence des évènements, processus et situations, seraient comprises d’une façon aussi objective que possible ». [3]

Pardonnez moi de rappeler ces quelques évidences, mais cela me paraît vraiment être le problème essentiel.

Trop souvent, les débats sur les médias glissent vers des problématiques de jugement « global » des qualités des journalistes. Or la question essentielle, me semble-t-il, ce n’est pas de savoir – en une sorte de « tout ou rien » - si « l’information » est « vraie » ou « objective », mais si elle est suffisamment précise et suffisamment fiable ? Est-ce qu’elle donne une image du monde social qui est suffisamment fidèle pour permettre au citoyen de se déterminer de manière éclairée, et de prendre ses décisions en connaissance de cause (notamment au moment des élections) ?

Voilà. Je voulais insister un petit peu là-dessus parce que je pense que malheureusement - alors c’est très difficile en très peu de temps, de livrer un discours qui ne paraisse pas caricatural, évidemment - mais je pense que malheureusement, souvent, les journalistes refusent de s’interroger sur ce rôle là.

Ils considèrent qu’ils montrent nécessairement la réalité du monde social. Et le débat est clos. Ils refusent de voir qu’ils construisent une réalité. Chaque fois qu’ils choisissent de mettre en avant un fait d’actualité c’est par concurrence - ou par opposition - à d’autres qu’ils ne montrent pas.[4]

Par exemple, sur le thème de l’insécurité, après le premier tour des élections présidentielles du 21 avril 2002, il y a eu toute une polémique autour de la responsabilité des médias dans l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour. Et vous aviez, par exemple, Olivier Mazerolles[5], directeur de l’information de France 2,  ou Serge July[6], patron du quotidien Libération,  qui disaient : “mais l’insécurité existe, donc c’était normal d’en parler”. Ils évacuent complètement le fait que c’est eux qui construisent une certaine image de l’insécurité, qu’il ne font pas que refléter quelque chose qui existe déjà.

Et ils occultent la question de savoir si cette image qu’ils construisent - et c’est cela la question essentielle - est conforme à la réalité du monde social. Ils donnent souvent l’impression, au contraire, de se voir comme de simples témoins. Ils viennent, ils font tourner leur caméra, et de fait, ils recueillent la réalité.

Il y a peu de temps, pour prendre un exemple plus récent, dans l’émission Arrêt Sur images [7], était invité un journaliste qui a réalisé un documentaire sur les problèmes de communautarisme à l’école, dans lequel on voyait, entre autres, une jeune fille qui s’était mise à porter le voile au cours de l’année. Et Daniel Schneidermann lui demandait si à son avis, la présence des caméras – en relation avec l’exemple récent des sœurs Levy [8] - n’aurait pas pu l’inciter à se voiler pour attirer l’œil des caméras.

Le réalisateur répondait « pas du tout », « je suis resté en retrait » et dans son discours il disait quelque chose d’intéressant : « j’ai pas donné de perspective, j’ai laissé à réfléchir en regardant ce qui se passait ».

Cette réflexion me paraît très intéressante. Il met en avant l’absence de perspective et pour lui, c’est cela le travail du journaliste. Alors il le disait un peu crûment, sans réaliser, peut-être, toutes les implications de sa formulation, mais enfin, pour lui, le journaliste ne donne pas de perspective, il vient, il met sa caméra, il regarde et, de fait, il recueille la réalité.

Et bien, je pense que c’est important de commencer par rappeler que de n’est pas du tout le cas.

Il ne faut pas s’interroger simplement sur le fait de savoir si les médias montrent des choses qui existent ou pas – évidemment elles existent – mais essayer de voir comment ils les montrent.

Un dernier exemple. A la dernière Fête de L’Humanité, j’ai assisté en tant que spectateur à un débat sur les médias et les mouvements sociaux, dont l’intitulé était quelque chose comme « les médias disent-ils la vérité sur le mouvement social ? » Il est évident que si vous posez la question comme ça, le débat est bouclé d’entrée. On va de suite dériver sur des commentaires du type : « ça ne veut rien dire, qu’est-ce que ça veut dire “la” vérité », etc.[9]

Il me semble que si l’on veut produire une analyse constructive, il est préférable de s’interroger précisément, point par point - comme nous allons peut-être le faire - sur certains sujets et sur la construction que font les médias de certaines réalités.

Voilà. Je ne veux pas non plus monopoliser la parole, mais si vous le permettez, j’aimerais ajouter un mot - après je préfèrerais laisser parler ceux qui ont une expérience professionnelle à communiquer, je pense que c’est plus intéressant. Puisque vous avez parlé en introduction de Pierre Bourdieu et de Noam Chomsky, j’aimerais quand même préciser une chose - toujours dans le cadre de ces quelques remarques sur les conditions du débat - à propos des critiques qui sont faites à ces auteurs,.

Il serait trop long de toutes les citer, et de prendre le temps de toutes les réfuter, mais il y a une qui est souvent faite, c’est le simplisme de la critique : la critique est réductrice, la critique est caricaturale etc… Bon alors, je voulais juste vous livrer, à ce propos quelques citations.

Par exemple dans Sur la télévision,  Pierre Bourdieu disait : « on pourra dire que ce qui pèse sur la télévision, c’est la contrainte économique. Cela dit, on ne peut se contenter de dire que ce qui se passe à la télévision est déterminé par les gens qui la possède, par les annonceurs (…), par l’état (…) et si on ne savait, sur une chaîne de télévision, que le nom du propriétaire, la part des différents annonceurs dans le budget et le montant des subventions, on ne comprendrait pas grand-chose. Reste qu’il est important de la rappeler. »[10] Il insiste en plusieurs endroits, je vous fait grâce des autres citations de l’ouvrage, mais ce qui est intéressant, c’est que lorsque Monsieur Dominique Wolton, sociologue, donc a priori quelqu’un d’intelligent, de cultivé etc… lit ce livre, et qu’il est interrogé par le magazine Sciences humaines sur les théories de Bourdieu, et sur ce livre, voici ce qu’il dit : « on ne peut affirmer que c’est la logique économique du capitalisme qui détermine totalement les acteurs » [11].

Pour donner un autre exemple, quand Philippe Val, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, lit Noam Chomsky, il en retire que « [Pour Chomsky] l’information […] n’est que propagande » [12]. Alors que le discours de Chomsky est bien différent : « Je n’ai jamais dit que tous les médias n’étaient que propagande. Loin de là. Ils offrent une grande masse d’information précieuses et sont même meilleurs que par le passé » (Télérama, 07.04.2003).

Je vous épargne les autres exemples que j’avais rassemblés, mais je tenais à préciser que souvent, les critiques des médias - qui sont bien évidemment elle-même critiquables - gagneraient à être lues un peu plus attentivement, un peu plus dans le détail, pour éviter que les débats sur ces questions tournent à une espèce de règlements de compte, ou de « critiques » un petit peu « bizarres ».

Voilà.

Marianne Schmitt : Quelqu’un veut réagir à ces propos ?

Une étudiante : Oui. A partir du moment où ils sont là avec une caméra, comment les journalistes peuvent-ils recueillir la réalité étant donné que la caméra va fausser la réalité ?

Arnaud Rindel : Ce que tu veux dire c’est qu’à partir du moment où ils sont là à un moment précis, ils recueillent uniquement ce qu’il y a à ce moment là ?

Katia : Oui

Arnaud Rindel : Effectivement, pour reprendre le cas de ce journaliste qui a réalisé le documentaire sur la religion à l’école, il vient pour tourner son reportage à un moment précis. Il se trouve qu’il y a une fille voilée à ce moment là mais cela ne reflète pas nécessairement la réalité quotidienne de l’établissement. Cependant, les approximations de l’image peuvent être corrigées en partie, notamment en rappelant sur ce cas précis, par exemple, que c’est la seule qu’il y a eu sur une dizaine d’années[13].

Ne serait-ce que faire en sorte, à côté de ce qui est montré, que le commentaire replace les images dans un contexte plus large dans une réalité plus objective, je pense que c’est déjà une façon de corriger en partie les choses.

Le problème c’est que cela ne peut pas être fait quand on travaille au jour le jour, sur une information qui est livrée quotidiennement. Si on te commande d’un coup un sujet, tu n’as pas le temps d’aller lire dix bouquins sur la question, pour te faire une idée d’ensemble…

Cela ne peut donc être fait, à mon sens (on verra après ce qu’en pensent les autres), que si au cours de leur cursus les journalistes ont eu une formation un peu générale en sociologie, en économie. Il est impératif qu’ils possèdent déjà une connaissance globale du monde social avant d’aller traiter un évènement ponctuel pour pouvoir le replacer dans son contexte sociologique économique et historique. Sinon, sur le moment, il est bien évident qu’ils n’ont pas les moyens de le faire. Et ils en sont réduits à interroger, à donner la parole aux uns et aux autres, et souvent, on a l’impression qu’ils considèrent qu’ils ont fait correctement leur travail.[14]

Par exemple, pendant les grèves du printemps 2003, au cours d’une émission présentée par Elise Lucet sur France 3[15], il y a eu un face à face entre le ministre de l’éducation de l’époque, Luc Ferry et une enseignante.

L’une des questions posées était de savoir si la décentralisation était ou non le prélude à une privatisation des établissements scolaires. L’enseignante qui est sur le plateau estime que oui, et elle affirme : « dans l’école qui est à côté de mon collège, les ADSEM [assistantes de maternelles] ont été remplacés par des sociétés privées »

Luc Ferry bondit et proteste : « c’est totalement impossible ».

Là-dessus Elise lucet se contente de dire « on voit, hein qu’il y a un vrai besoin de dialogue (…) qu’il y a beaucoup de questions », et passe à autre chose !

Bon, et bien ça par exemple, ça n’est pas acceptable ! Si on se replace dans l’optique de savoir si les citoyens ont une information qui est suffisamment précise, et bien, en l’occurrence, celui qui regarde ça n’est pas très avancé. C’est peut-être elle, c’est peut-être lui qui a raison, on ne sait pas. Dans ce cas là il faudrait au moins que les journalistes fassent le déplacement, enquêtent… bref, s’attachent à essayer de garder une certaine objectivité. Enfin, il faut que je fasse attention, parce que dire “les médias ne sont pas objectif“, encore une fois, ça ne veut rien dire. Donc, il y a une certaine objectivité, mais la question est de savoir si elle suffisante ou pas ? A mon avis elle n’est pas suffisante. Ou disons, elle est souvent insuffisante. Les faits sont un peu trop souvent laissés de côté. Et le contexte aussi.

Voilà. Je ne sais pas si j’ai répondu…

Katia : Si, si.

Marianne Schmitt : Quelqu’un a quelque chose à rajouter là-dessus ?

Arnaud Rindel : N’hésitez pas, si vous avez des questions ou si je n’ai pas été clair…

Marianne Schmitt : Non ? Dans ce cas, à titre illustratif, nous allons donner la parole à Dominique Pinsolle, qui intervient, comme je le disais tout à l’heure, au nom de la commission « Islam et laïcité », animée par le Monde Diplomatique et la Ligue des droits de l’homme.

Nous avons déjà eu un séminaire sur la loi sur la laïcité. Il est donc intéressant de voir la manière dont elle a été médiatisée et le contexte dans lequel elle a été faite.

Dominique Pinsolle : Je vais effectivement vous parler de la médiatisation de ce qu’on a appelé « l’affaire du voile ». Cette « affaire » est née, plus ou moins, en 1989, avec les trois jeunes filles voilées de Creil qui s’étaient fait exclure de leur lycée.

Le conseil d’état leur avait ensuite donné plutôt raison, puisqu’il avait dit qu’il n’y avait aucune raison qu’elles soient exclues parce qu’elles étaient voilées, mais que le critère était de savoir si cela perturbait ou non le bon fonctionnement de l’établissement.

Puis, l’an dernier, en 2003, il y a eu toute la médiatisation de la loi sur la laicité, qui a été votée le 10 février dernier à une grande majorité, puisqu’on a vu les socialistes et l’UMP tomber d’accord sur ce point là.

Il est particulièrement intéressant d’étudier la médiatisation de cette affaire, parce que l’Islam n’est pas quelque chose que l’on connaît vraiment très bien, et même beaucoup moins que le christianisme par exemple. On a pu le voir très rapidement au collège, en étudiant les autres religions, mais on ne connaît souvent de l’Islam que ce que les médias et les journalistes veulent bien en dire ou en montrer.

A l’occasion du vote de cette loi, on a pu voir que l’affaire du voile a occupé 26 fois la couverture des principaux hebdomadaires (le Nouvel Observateur etc.) et près de 100 fois la Une des grands quotidiens - je me base là sur un comptage qu’a fait le canard enchaîné le 14 janvier dernier. Tout cela sans parler de la télévision[16] et de la radio. Cette histoire a été vraiment un fait médiatique énorme. Il est donc particulièrement intéressant d’en parler, parce que je pense que c’est assez représentatif du  fonctionnement des médias dans leur ensemble.

C’est en premier lieu un exemple-type de ce dont Arnaud a parlé, à savoir la construction, la fabrication d’un débat national, d’une actualité et non pas le simple compte rendu.

C’est aussi, deuxièmement, un bon exemple de traitement biaisé et orienté d’un sujet. On a vu les journalistes prendre parti et non pas simplement se contenter de rendre compte des différentes prises de position.

C’est enfin un exemple de ce qu’on appelle régulièrement depuis un moment la “pensée unique“, ce qui signifie tout simplement, que dans les dix jours qui ont précédé le vote de la loi, la plupart des grands médias s’étaient prononcés pour le vote de la loi, excluant dans le même temps une bonne partie de ceux qui étaient contre.

 

Tout d’abord, le problème de la médiatisation de l’affaire du voile ne peut se comprendre que si on le replace dans le contexte politique et intellectuel de 1989. On n’a pas commencé à parler du voile comme ça, par hasard. On n’a pas non plus commencé à en parler parce qu’il y avait de plus en plus de cas, de problèmes, d’élèves voilées, car il y en avait eu très peu, à vrai dire, à cette époque. On a donc réellement fabriqué un problème et un thème médiatique.

En 1989 - et je me réfère cette fois à un article d’Alain Gresh[17], le rédacteur en chef du Monde Diplomatique - la chute de l’URSS, et en même temps la révolution iranienne, le développement du Hamas en Palestine, la guerre civile en Algérie, ont amener le thème de l’islamisme à remplacer peu à peu, en tant que menace internationale, le thème du communisme des années 50-60 - et même avant celui-ci, le thème du fascisme et du nazisme.

Et cette évolution de la sphère internationale s’est conjuguée avec une évolution des sphères nationales, et même des sphères continentales, comme au niveau de l’Europe, et même plus particulièrement en France, où l’on s’est soudain rendu compte que l’islam était à peu de choses près la deuxième religion. C’était donc quelque chose avec lequel il fallait compter.

On a alors vu émerger dans les médias occidentaux, et notamment aux Etats-Unis, le thème d’une nouvelle menace islamiste qui viendrait remplacer les menaces antérieures. Par exemple, en 1986, le New York Times écrivait : « le fondamentalisme musulman devient la menace principale à la paix globale et à la sécurité. Cette menace est semblable à celle du fascisme et du nazisme dans les années 30 et celle des communistes dans les années 50. »

Cette thèse a été développée et confortée, notamment par la thèse du « choc des civilisation » développée par Huntington - expression que tout le monde emploie sans avoir forcément lu son bouquin d’ailleurs…

En France, par exemple, en 1988 le Figaro Magazine a fait une couverture avec une Marianne voilée, barrée du titre : « serons nous français en 2025 ? ». Il y a donc ce climat idéologique, intellectuel, qui influence le traitement médiatique de l’affaire. Il faut nuancer un peu, parce que c’était surtout valable dans les années 90, et dans le cas de la France, cela restait relativement cantonné à la presse, disons, de droite traditionnelle, Valeurs actuelles, Figaro Magazine etc. Depuis, d’autres thèmes se sont développés : les banlieues à problèmes, les violences urbaines etc.

Il est vrai qu’il y a eu aussi beaucoup de dossiers sur le Coran, etc., mais cela a pour conséquence d’analyser le problème des musulmans uniquement au travers du texte religieux. Or, on peut s’interroger sur la pertinence de cette approche. Est-ce que pour rendre compte du problème des communautés chrétiennes aujourd’hui, le fait d’étudier la Bible va nous éclairer ? On se rend bien compte que l’on n’a pas du tout la même attitude, dans ce cas de figure, avec les chrétiens qu’avec les musulmans.

Ensuite, deuxième point, on s’est aperçu que le sujet a été orienté de façon biaisé et orienté.

On a pu constater que les journalistes ont pris part au débat, notamment dans le contexte nouveau de l’après 11 septembre, en développant abondamment le thème de la guerre contre le terrorisme, en se focalisant sur l’Islamisme radical, les fondamentalistes, les intégristes etc

Il y a d’ailleurs eu une évolution des termes : on a d’abord parlé « d’intégrisme », ensuite « d’islamisme », puis de « communautarisme »…

Les journalistes se sont vraiment focalisés là-dessus. David Pujadas, par exemple, est le coauteur d’un livre qui s’appelle La tentation du Djihad, l’islamisme radical en France, en 1995. Et en 1989, même Patrick Poivre d’Arvor avait dénoncé cela. Il avait dit, en substance, que l’islamisme radical était un phénomène hypermédiatisé. Et il avait fait plusieurs journaux télévisés où il avait invité des chercheurs qui nuançaient les choses, ce qu’il a abandonné par la suite.

Je pense que le fait de s’intéresser à l’islamisme radical – et autres thématiques de ce genre - répond aussi à certaines contraintes économiques, parmi lesquelles la recherche d’audimat. On attirera beaucoup plus de public si on parle de sujets un peu sensationnels, mystérieux ou effrayants.

Cela pose également le problème de la formation des journalistes. Sont-ils capables d’avoir une vision rationnelle, raisonnée de la question ? Sont-ils capables d’appréhender l’islam de façon nuancée ? Est-ce qu’on les forme pour cela ? Ou sont-ils formés pour faire de l’audimat et accroître les bénéfices de leur entreprise ?

Dans le même ordre d’idée, on a pu constater également que derrière l’apparente neutralité du traitement de la question, il y avait souvent, surtout à la télé, un choix très orienté des interlocuteurs.

En 1989, Thomas Deltombe - un élève de Science-Po Paris qui a fait son mémoire sur l’Islam à la télévision[18] - a calculé qu’au journal télévisé d’Antenne 2 (à l’époque), il y a eu, sur les trois mois où le thème de l’affaire du voile a été médiatisé, une minute et neuf seconde de temps de parole accordées à des filles voilées, alors qu’elles étaient quand même les premières concernées.

Le 4 décembre 2003, Guillaume Durand a consacré un numéro de son émission campus - c’est Pierre Thévanian, du collectif Les mots sont importants, qui a étudié ça[19] - au problème de la laïcité. Il avait invité neuf personnes. Aucune fille voilée, aucun sociologue, aucun prof, aucun élève, aucun responsable associatif. Il y avait deux personnes - censées défendre les femmes voilées - qui étaient là pour expliquer pourquoi elles étaient contre la loi : Tarik Ramadan et le recteur de la mosquée de Paris. On a donc invité des hommes pour défendre des femmes voilées, et face à eux il y avait 7 personnes d’origine européenne, « blanches », qui défendaient la loi.

C’est quand même déjà un parti pris. Guillaume Durand aurait très bien pu inviter un agnostique, ou un responsable associatif anticlérical qui aurait très bien pu être contre la loi. Il y a eu des journaux, à l’extrême gauche, comme CQFD, journal marseillais[20], qui se dit anti-clérical, et qui pourtant s’est positionné contre la loi [21]. Ca c’est un discours qui n’est pas passé. Pourquoi ? Parce qu’il faut que l’on puisse toujours ranger les invités dans une catégorie, que les choses soient présentées de façon très simple, très schématique, que le problème soit directement intelligible, que l’on est pas besoin de beaucoup de temps pour l’expliquer, parce qu’à la télévision effectivement il y a un problème de temps. Il faut aller vite, il ne faut pas que ce soit trop complexe, etc.

Troisième et dernière chose, c’est le thème de la « pensée unique ».

J’ai regardé un peu les éditos et les unes des principaux quotidiens français dans les dix jours qui ont précédé le vote de la loi. Et tous ceux que j’ai vus s’étaient prononcés pour la loi, avec, bien entendu, quelques dissonances marginales comme Politis [22]. Auparavant, il y avait déjà eu toute une campagne où les partisans de la loi avaient eu le temps d’exposer leurs opinions.

Par exemple, L’Express a fait le 26 janvier une couverture avec une « Enquête sur les ennemis de la république »,  Le Nouvel Observateur, annonçait le 29 janvier - la même semaine – en couverture une enquête sur « Le vrai visage de Tariq Ramadan ». On a vu Libération se positionner pour la loi. Le Monde a accordé, le 4 février 2004 - six jours avant le vote de la loi - la Une et la page horizon-débat à Francis Fukuyama, l’auteur de La fin de l’histoire et Le dernier homme, qui lui, retourne carrément à la thèse classique de la menace islamiste intérieure. Il affirmait en Une que « des responsables terroristes comme Mohamed Atta, ne se sont pas radicalisés en Afghanistan mais en Europe occidentale ». Donc vraiment, il faut cette loi, c’est vraiment une question de sécurité nationale.

Et enfin, on a vu Le Figaro le 10 janvier - le jour où la loi devait être votée - publier un article en disant il y avait consensus général, tout le monde était d’accord, que même les socialistes s’étaient ralliés etc., alors que dans la réalité, il y avait des voix discordantes. Il y avait le parti communiste, il y avait les verts, il y avait une partie de la LCR, il y avait quasiment la majorité des syndicats enseignants, qui s’étaient posés contre la loi - bien que les enseignants, en majorité, à titre individuels aient été pour - il y avait le MRAP, il y avait la Ligue des droits de l’homme, il y avait les Motivé(e)s à Toulouse, et de nombreux groupes féministes - comme Féministes pour l’égalité - qui s’étaient positionnés contre la loi. De toux ceux-là,  on a quasiment jamais entendu parler.

Comme je vous le disais au départ, cet exemple illustre la façon dont les médias peuvent arriver à déformer la réalité, et non plus simplement en rendre compte. Et si on n’épouse pas le point de vue des médias dominants, on n’a pas trop accès à la scène médiatique.

Plusieurs personnalités, dans un premier temps hostiles à la loi, se sont même rangées ensuite à l’opinion dominante.

On a vu par exemple, un sociologue comme Alain Touraine, dire d’abord qu’il était contre la loi, expliquer pourquoi il était contre la loi, et dire au bout d’un moment : « oui bon en fait je suis pour ». Il s’est donc rallié finalement à la prise de position dominante. [23]

On a vu également Fadéla Amara présidente de l’association Ni putes ni soumises, qui dans son bouquin intitulé lui aussi Ni putes ni soumises disait que si on votait la loi, on aurait l’effet inverse d’une cohabitation sereine des différentes religions dans le respect de notre cadre laïque, qui disait qu’il fallait pas voter une loi, et qui finalement a fait à peu près tous les plateaux télé juste avant le vote de la loi pour dire que oui, il fallait la loi, que c’était une bonne chose etc.[24]

Voilà pour ce que je voulais vous dire. Après, on pourra éventuellement revenir sur le sujet si vous avez des questions…

Marianne Schmitt : M. de Laage, peut-être avez-vous envie de réagir ?

Dominique de Laage : Ecoutez, en l’état du débat, je voudrais juste dire deux ou trois choses. J’ai plutôt l’habitude, généralement, de critiquer ma propre corporation, parce que cela fait partie de notre structure. On est souvent très autocritiques. Mais là, quand même, je voudrais vous dire une chose : en vous entendant, j’ai l’impression que vous tombez tous, à mon avis, dans un travers auquel il faut faire attention, parce qu’il me semble que cela déforme la réalité. On ne peut pas parler « des journalistes » d’une manière globale, tel que vous le faites. Parce que cela n’existe pas. Il n’y a pas « les journalistes » qui seraient dans un espèce de grand tout, manipulés ou manipulateurs, embarqués dans des espèces de schémas de pensée unique. Ce n’est pas vrai. Ca ne marche pas comme ça.

Alors c’est vrai qu’il y a des lois dans ce métier, qui actuellement dépendent d’ailleurs souvent des lois du marché, et à mon avis c’est ce qui pèse actuellement le plus sur cette profession là. Parce que c’est une profession qui souffre, qui ne gagne pas d’argent, qui a du mal à générer véritablement des profits (je parle de la presse écrite, qui a du mal à s’en sortir, parce qu’ensuite on peut parler d’autres médias). Vous rappeliez dans votre introduction du débat son rôle : « informer, éduquer, divertir ». Et c’est donc effectivement une profession qui actuellement est tout le temps en train d’essayer bêtement - parce que souvent, c’est très bête effectivement - qui essaie de racoler, qui essaie d’informer et d’éduquer via le divertissement.

Or je pense que c’est une assez mauvaise solution, sauf que… sauf que la réalité c’est qu’on est de moins en moins lus !

Et moi ce que je voulais vous dire un peu en préalable, c’est qu’on a les journalistes qu’on mérite. Et quand déjà, on les globalise d’une manière aussi caricaturale, ça ne me semble pas très sain. Parce que c’est faux. C’est faux ! A l’intérieur même d’un titre comme Sud Ouest, vous avez toutes sortes de journalistes. Vous avez des journalistes révérencieux, des journalistes aux ordres, vous avez des résistants, vous avez des fouille-merde, vous avez des gens qui ont une pensée qui très nuancée - qui moi me semble être la plus grande qualité de ce métier - effectivement avec une perspective historique, sociologique, la plus large possible, apportant le plus d’éclairage possible…Tout ça est très, très divers et très riche.

Et finalement, je pense que le plus gros travers dans lequel il ne faudrait pas tomber c’est celui-là. C’est de se dire qu’on a à faire à une espèce de “corps”, de gens qui ont tous été formés pareil. Parce que ce qui me frappe beaucoup, c’est que tout le monde est d’accord, à un moment ou un autre dans ce pays, pour dire c’est la faute des journalistes. Que ce soit à l’extrême droite, que ce soit partout, tout le monde - à un moment où à un autre - est d’accord pour dire “ah, mais c’est la faute des médias”.

Mais, il faut s’en méfier. Même si, franchement, je pourrais être beaucoup plus critique encore que tout ce que vous avez dit, moi je me méfierais beaucoup de cette pensée selon laquelle on aurait un espèce de groupe qui s’appelle « les journalistes ».

Bon c’est vrai qu’on se renifle tous les uns les autres, c’est vrai que c’est un métier où quand quelqu’un fait “pet“, tout le monde va faire “pet“. Parce que… parce qu’il n’y a pas de moyens ! Il y a très peu de moyens. Mais il y a très peu de moyens intellectuels aussi. Beaucoup de gens dans ce métier sont devenus des fainéants intellectuels. Mais s’ils sont des fainéants intellectuels, c’est parce que leurs lecteurs sont des fainéants intellectuels !

Et tout ça vraiment, forme un tout. Moi je pense qu’il faut se méfier. Les canards que l’on a dans un pays reflètent beaucoup l’état de la démocratie, et l’état du débat - ou des débats - et les caractéristiques des gens à l’intérieur de ce pays. Donc n’opposons pas les journalistes au reste de la population.

Arnaud Rindel : Juste un petit mot rapide. Je suis assez d’accord avec tout ce que vous avez dit… Simplement, voyez-vous, j’avais préparé un petit « résumé » sur le traitement médiatique des mouvements sociaux… alors je ne sais même pas si j’aurais le temps d’en lire un morceau, mais je n’avais mis que l’essentiel de ce qui me semblait important à dire, et vous constatez vous-même que ça fait déjà 20 ou 30 pages. Et la première page était consacrée uniquement à expliquer que je n’allais dire que des choses très caricaturales.

Donc quand vous nous dites « les journalistes », c’est caricatural… non ce n’est pas caricatural ! C’est un propos qui est tenu en cinq, dix minutes, c’est ça le problème. [[Dominique De Laage hoche la tête en signe d’approbation]]

Prenons l’exemple du livre Sur la télévision, du sociologue Pierre Bourdieu, dont tout le monde a dit qu’il était simpliste. Il faut tout de même rappeler que c’était la transcription d’une émission où il se trouvait tout seul face à la caméra, au collège de France. Et déjà, en deux heures ininterrompues de temps de parole, il livre des propos qui ne sont effectivement que des traits très généraux.

Pour pouvoir commencer à distinguer il faudrait beaucoup plus de temps. Je n’ai pas eu le temps de les citer, mais j’avais d’ailleurs préparé des propos de Serge Halimi, de Pierre Bourdieu, de Noam Chomsky, qui disent exactement ce que vous dites finalement, que dans les médias y a de tout, des gens qui critiquent, et qui essaient de…

Christophe Geay : Excusez moi. Vu que l’heure tourne, je pense qu’à ce moment du débat, se serait intéressant d’avoir l’intervention de Jean-Pierre tailleur qui a fait une enquête de contenu sur la presse régionale.

Arnaud Rindel : D’accord. C’était juste pour bien préciser qu’effectivement, c’est aussi… voilà, c’est fait en peu de temps ! Pour décrire dans le détail les différents types de journalisme, il faudrait avoir 2 heures de temps de parole.

Juste une citation si vous permettez, pour finir, du sociologue Alain Accardo, qui dit : « on ne peut pas transformer quelque 27 000 journalistes en conspirateurs passant leur temps à prendre les ordres des milieux dirigeants et à comploter sciemment la conversion de l'ensemble des champs sociaux […] à la logique économique et au culte du Veau d'or », mais, « on ne saurait sans angélisme ignorer les liens nombreux et solides que certain(e)s journalistes entretiennent personnellement avec le monde des affaires et de la politique dont ils sont en quelque sorte les délégués à l'intérieur de la profession » [25].

Voilà, ça c’est quelqu’un qui a une vision équilibrée, et c’est vrai que l’on peut parfois paraître caricaturaux, comme si on demandait à un médecin de résumer le fonctionnement de l’organisme humain en 10 minutes. On pourrait toujours lui dire : mais vous caricaturez parce que vous avez oublié ci ou ça… enfin, vous voyez, je pense que c’est ça, aussi, la difficulté.

Dominique de Laage : oui, mais moi ce qui me frappe, c’est que moins on les lits, moins on les commente, les journalistes.

Arnaud Rindel : euh… vous voulez dire, moins la population les lit ?

Dominique de Laage : Elle les lit moins ! Elle les lit de moins en moins, clairement !

Arnaud Rindel : d’accord. Vous ne voulez pas dire : ceux qui les critiquent, vous voulez dire « en général ».

Dominique de Laage : en général.

Arnaud Rindel : d’accord.

Marianne Schmitt : juste une petite chose par rapport à ce que vous avez dit tout à l’heure : c’est vrai qu’il n’y a pas un type de journalisme, mais différents types de journalisme, et notamment des journalistes précaires. Par rapport à ces derniers, dans le dossier que l’on vous a remis, il y a un article de Gilles Balbastre[26], qui renvoie également à un livre d’Alain Accardo et Gilles Balbastre, qui s’appelle Journalistes précaires [27], et qui reprend à peu près ce que vous avez dit.

Dominique de Laage : Ok

Marianne Schmitt : Monsieur Tailleur, à vous la parole.

Jean-Pierre Tailleur : Je suis en partie d’accord avec vous deux, mais je voudrais apporter quelques nuances. Il est vrai que c’est exagéré de dire « tous pourris », mais je pense que sur des points précis, il y a un manque de critique des médias, en France notamment.

J’ai un exemple précis en tête. Vous avez probablement entendu parler d’un livre qui a eu beaucoup de succès ces derniers mois, et qui s’appelle La France qui tombe. C’est un essai sur le déclin de la France, écrit par Nicolas Baverez[28], qui a été très médiatisé. Honnêtement, il ne m’a pas tellement emballé, à cause de son manque de clarté pour commencer. Baverez nous abreuve de chiffres, et il est de ce point de vue assez impressionnant. Personnellement, je ne sais pas écrire comme ça... Il s’agit d’une série de constats extrêmement négatifs, très économiques surtout, pour ne pas dire «très énarques».

Mais un point m’a énormément intéressé dans ce livre : il a été présenté par l’ensemble des médias comme traitant du déclin économique, social, politique et culturel de la France, alors qu’il ne parle à aucun moment des médias.

Soit c’est une façon de nier le rôle de la presse dans notre démocratie, soit Baverez est un malin qui s’est dit « si je tape sur les journaux on ne va pas parler de mon bouquin ».

J’ai constaté le même type d’attitude dans beaucoup d’autres ouvrages sur le mal français, où curieusement les médias sont ignorés du champ de la critique.

Cela étant, on assiste actuellement à une sorte d’effet de balancier. Pendant des années, beaucoup de gens se sont gardés de toucher aux médias. Puis, lorsque certains ont commencé à dénoncer la presse, on est passé à l’effet inverse, au lynchage. C’est un peu ce que vous regrettez, M. de Laage, et c’est ce que l’on a vu avec l’affaire Pujadas-Mazerolle.

Personnellement, sur le moment j’étais extrêmement critique vis-à-vis des bêtises qu’ils ont raconté sur le départ d’Alain Juppé, mais maintenant je les défend un peu, parce que je me dis qu’on en a trop fait. Le fait de dire que Juppé allait quitter la vie politique, au bout du compte, me paraît finalement moins grave que ce qui a été fait, par exemple, par TF1 : laisser 15 ou 20 minutes à un condamné pour se défendre, et l’interroger avec une grande complaisance, comme l’a fait ce soir là Patrick Poivre d’Arvor.

Tout cela pour dire qu’une critique forte, comme celle adressée à Pujadas et Mazerolle, peut être un moyen d’occulter des problèmes, des défauts plus graves de la presse française.

Un autre point me vient à l’esprit. Quelques semaines plus tard, il y a eu un débat sur France 3, dans l’émission de Franz-Olivier Giesbert, Culture et dépendances, intitulé « Affaires, terrorisme : les médias en accusation » [29].

Il y avait, réunis sur un même plateau, le patron du Monde, Jean-Marie Colombani, et le patron du Figaro, Yves de Chaisemartin. Ce débat a eu lieu quelques jours après un événement extrêmement important pour la presse et la démocratie française : l’annonce que le groupe Socpresse, qui détient notamment Le Figaro et quelques journaux de Rhône-Alpes (Le Progrès et Le Dauphiné libéré), passait sous le contrôle majoritaire d’un vendeur d’armes, le groupe Dassault. Et bien on n’a pas du tout parlé de cette question durant les deux heures d’émission, alors que de Chaisemartin était directement concerné. C’est Le Monde que l’on a critiqué, surtout, parce qu’il y a eu l’ouverture de la chasse l’an dernier avec le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen[30]. Depuis un an, en quelque sorte, les rédactions considèrent qu’un seul journal est nul et critiquable en France : Le Monde.

Je trouve qu’il y a malheureusement un manque de volontarisme chez les journalistes, et aussi dans l’université, parmi les chercheurs sur les médias. Ils ne se demandent pas assez si finalement, ce que l’on reproche au Monde, on ne pourrait pas le retrouver, peut-être même en pire, dans le Figaro, l’express ou Libération.

Pour conclure, je suis en partie d’accord avec M. De Laage, il y a une tendance un peu malsaine à vouloir critiquer violemment les médias une fois que l’ouverture de la chasse est décidée, alors que dans le même temps, on ignore des pans entiers de fautes professionnelles. De mauvaises pratiques qui concernent spécifiquement les médias français demeurent dans une sorte de vide intellectuel, de néant journalistique. Ce « maljournalisme » n’est du tout couvert, peut-être parce que ce sont des fautes qui gênent plus la profession.

Marianne Schmitt : Dans votre livre vous critiquez particulièrement la médiocrité de la presse quotidienne régionale. Expliquez-nous ce que vous pensez de cette P.Q.R., parce que nous allons à présent entamer le débat précisément sur ce point…

Jean-Pierre Tailleur : D’accord. Auparavant, juste une parenthèse : tout ce que je vais vous dire, vous pouvez le compléter en tapant sur Google mon nom, le mot « maljournalisme », où en allant voir directement sur mon site internet [31]. J’y ai mis d’autres choses qui peuvent vous intéresser.

Mon livre, « Bévues de presse », est un tour d’horizon sur le manque de professionnalisme dans la presse française. Comme cela est précisé, que je ne considère pas que l’ensemble des journalistes, ni que l’ensemble des journaux français, soient mauvais. Je me suis simplement intéressé à des cas de fautes professionnelles, qui ne sont pratiquement jamais évoqués dans les débats sur les médias.

Je me suis intéressé notamment à la PQR, mais pas uniquement. Je consacre par exemple un chapitre entier au Canard enchaîné. Cet hebdomadaire nous est présenté comme un journal d’investigation (et pas seulement humoristique), comme une référence. Or, à mon sens n’est pas assez critiqué, car on y relève de façon récurrente des fautes graves.

D’une part, parce qu’il a un angle d’attaque extrêmement limité. C’est un journal qui couvre surtout le microcosme parisien et qui ne fait pratiquement rien sur l’étranger. Quand vous lisez la plupart des articles de cet hebdomadaire, vous avez l’impression qu’il est fait par des gens qui se moquent de ce qui se passe au-delà de quatre ou cinq arrondissements parisiens.

Et d’autre part, il n’y a pas de véritable investigation, c’est-à-dire des articles approfondis. “L’investigation” se limite aux “petites phrases”. C’est une sorte de Star Academy de la vie politique française, mais ce n’est pas du niveau d’une grande nation de 60 millions d’habitants,.

Il me semble même assez indigne de considérer qu’il est un modèle d’investigation pour la quatrième ou cinquième puissance mondiale, comme on nous le fait croire quand on interview Claude Angeli, le rédacteur en chef, ou que l’on évoque cet hebdomadaire.

Pour répondre à votre question sur la PQR, j’ai porté mon regard sur la presse régionale après m’être aperçu que dans la plupart des travaux sur les médias publiées en France, elle n’existe pas ! Et pour moi, c’est une forme profonde de mépris, un exemple de la coupure France d’en bas-France d’en haut, telle qu’on nous en parle depuis deux ans.

Il y a une anecdote intéressante que je rapporte dans mon livre. Il y a quelques années, j’ai assisté aux « rencontres de Pétrarque ». Cette manifestation culturelle d’une semaine a lieu tous les étés à Montpellier et est diffusée sur France culture. Ce mois de juillet là, les rencontres étaient consacrées aux médias et à la démocratie : elle comprenaient environ dix heures de débat, avec beaucoup de gens brillants, intelligents, très cultivés… Mais après la dernière journée, je me suis rendu compte qu’ils n’ont pas dit un mot sur la presse locale !

Ce sont des personnalités que les Montpelliérains viennent écouter, que les auditeurs de France culture vont écouter, des intellectuels venus de Paris et qui ignorent les journaux qui concernent les quatre cinquième des Français.

Dans le cocktail qui clôturait l’ensemble de ces conférences, j’ai fait part de mon étonnement à Alain Finkielkraut, qui était le principal animateur de ces journées: «Comment cela se fait que vous n’ayez pas parlé du Midi libre, le journal local ? » Il venait de passer une semaine, et comme les autres intervenants, il ne s’était pas demandé le soir en arrivant à l’hôtel ce que lisent les habitants de la région. Il pouvait bien imaginer que le journal local est ni Libération ni Le Monde. Finkielkraut m’a répondu par une sorte de boutade en me disant que pour lui la presse régionale, c’est aussi marrant à lire que l’Equipe. Ca l’amuse. En d’autres termes, pour lui, cela ne présente pas d’intérêt pour en parler dans un débat sur les medias et la démocratie française…[32]

Marianne Schmitt : c’est amusant de faire le rapprochement entre les deux, parce que L’Equipe est l’un des quotidien les plus lus, et la presse quotidienne régionale fait 70 % des ventes de quotidiens, ce qui n’est pas négligeable non plus…

Dominique de Laage : mieux même ! Le plus grand quotidien français est un quotidien régional[33] !

Jean-Pierre Tailleur : Tout à fait. Vous complétez mon propos. Non seulement cela concerne les quatre cinquièmes de la population, mais en plus, c’est la presse généraliste la plus lue.

Tous les ans, la Croix, et le Point publient un sondage sur la crédibilité des médias, et on nous fait toute une tartine au mois de janvier - cette année c’était début février[34] - sur le fait que les médias sont plus ou moins crédibles que l’année précédente. Et là encore, on parle très rarement, et même pratiquement jamais, de la presse régionale.

A ma connaissance, la dernière fois qu’il en a été question, c’était de façon indirecte, il y a environ cinq ans. A l’époque, c’était Télérama qui s’occupait de ces sondages, et cet hebdomadaire avait publié un dossier sur les journaux alternatifs, marginaux qui se créent un peu partout en France, et qui remplissent, tant bien que mal – car en général, ils ont très peu de moyens - quelques vides éditoriaux laissés par les grands quotidiens régionaux.

Pour votre information - je ne sais pas si vous les connaissez, ils ne sont pas très connus en général - ici à Bordeaux, ils s’appellent Nouvelles Vagues [35], et à Montpellier, L’Agglo-rieuse. Il y a aussi le journal de François Ruffin. Il est connu pour avoir écrit un livre sur une école de journalisme[36], mais, c’est surtout l’animateur d’un journal qui s’appelle Fakir [37], basé à Amiens…

Marianne Schmitt : et qui a eu des démêlés avec la justice…

Jean-Pierre Tailleur : oui, il est actuellement en procès avec le Courrier Picard[38] parce qu’il a attaqué de façon humoristique. Mais l’humour n’est pas passé…

Mais ce que je voulais dire, c’est que même quand les journaux publient des dossiers spéciaux sur les médias, la presse régionale est relativement délaissée.

Et c’est donc pour cette raison, devant ce constat, devant ce vide intellectuel, et même journalistique - m’étant fixé comme objectif d’écrire une critique le plus possible factuelle sur le manque de professionnalisme dans la presse - que j’ai décidé de consacrer deux chapitres (sur les 15 de mon livre) à la presse régionale.

Je suis à l’aise aujourd’hui, parce qu’il y a un journal dont je dis relativement du bien par rapport à l’ensemble, c’est Sud Ouest. Je fais allusion au fait que votre nouvelle formule, Monsieur De Laage, m’a parue représenter un progrès par rapport à ce qui se fait ailleurs. Un tour de France de la presse régionale permet de constater beaucoup de ringardise, en effet, trop de formats «années 70», et ce qui a été fait ces dernières années, en allant voir ce qui se passait ailleurs, me paraît représenter un progrès. Sud Ouest a été un des premiers à le faire en ayant recours à un cabinet-conseil espagnol.

Par ailleurs, il se trouve que je suis d’origine Argentine – par mon lieu de naissance et par ma mère - et j’ai été surpris de constater que dans certaines villes de l’intérieur du pays, hors de Buenos Aires, on publie des journaux qui semblent réaliser sur le plan de l’actualité locale plus de reportages, plus d’investigation que leurs confrères français. J’ai également fait un tour d’horizon comparatif de notre PQR avec l’espagnole. Même en tenant compte du régionalisme - la Catalogne est plus indépendante que le Languedoc–Roussillon ou même l’Alsace - j’ai constaté que sur le plan local, les journaux donnent plus de moyens à leurs journalistes pour faire des enquêtes.

Notre PQR pose le problème du modèle économique qu’elle a adopté. Beaucoup de pages dépendent d’intermittents du journalisme qui, trop souvent, ne sont pas des journalistes professionnels. Cela peut être un instituteur ou un retraité de France Télécom comme celui que j’ai rencontré dans la région de Poitiers, récemment. Ils sont payés pour couvrir leur village ou un groupe de villages, et n’ont évidemment pas les moyens de faire des enquêtes sur plusieurs journées. Ils ne peuvent que se contenter de suivre les cocktails et de faire de l’information institutionnelle. Je pose donc la question : la coupure France d’en haut-France d’en bas ne commence-t-elle pas là? Nos journaux ne se donnent-ils pas assez de moyens pour faire écho à ce qui se passe sur le plan local?

Marianne Schmitt : est-ce que quelqu’un veut réagir… ?

[A suivre]

[1] Ce débat s’est déroulé le lundi 5 avril 2004, entre 15h30 et 18h, à l’U.F.R. (Unité de Formation et de Recherche) des sciences de l’homme de l’université de Bordeaux 2 (UFR des Sciences de l'Homme - Département de Sociologie, Université Victor Segalen Bordeaux 2, 3, place de la Victoire, 33076 Bordeaux Cedex ).

Dans le cadre du séminaire de 2ème année de Master en sociologie du professeur Didier Lapeyronnie, trois étudiants (Marianne Schmitt, Elodie Rotenberg et Christophe Geay), ont organisé une table ronde autour thème : « les médias et leur critique ».

[2] Le débat a été retranscrit d’après un enregistrement effectué à l’aide d’un magnétophone de poche. Certaines retouches, minimes et portant uniquement sur la forme (répétitions, lapsus, bafouillages, phrases inachevées…), ont été effectuées afin de faciliter la lecture.

[3] Principe n° 2 (« l’attachement du journaliste à la réalité objective ») des Principes internationaux de l’éthique professionnelle des journalistes, établis lors de la quatrième rencontre consultative de 1983 des organisations internationales et régionales de journalistes professionnels sous l’égide de l’UNESCO (in Alain Woodrow – Les médias, quatrième pouvoir ou cinquième colonne ? – Editions du félin).

[4] Un point de vue que souligne Daniel Schneidermann dans l’un de ses ouvrages : « Vous touchez juste, Pierre Bourdieu […] l’idée même de présupposé ne nous effleure pas […] Je me souviens de cette consoeur de télévision à qui nous reprochions sur le plateau d’Arrêt Sur Images de privilégier les faits divers au détriment de l’actualité étrangère, et qui répliquait, pathétiquement sincère : “mais il ne se passe pas grand-chose, en ce moment à l’étranger !” cuirassée par sa pratique quotidienne, elle ne savait pas que c’était elle qui décidait que les évènements étrangers n’étaient pas intéressants […] “Ouvrir” une page de journal sur telle information plutôt que telle autre, “attaquer” son article sur telle citation plutôt que telle autre : tout est choix, que le journaliste effectue notamment en fonction de ses présupposés. » (Daniel Schneidermann – Du Journalisme après Bourdieu – Fayard, 1999, pp.12-13)

[5] « l’insécurité existe, ce n’est pas les médias qui l’ont inventé » (Olivier Mazerolle, - Soirée électorale, France 2, 21 avril 2002). «  La mort d'un commissaire à Vannes, qui a entraîné la visite du ministre de l'intérieur, le drame de Nanterre, fallait-il ne pas en parler ? Est-ce de ma faute si le ministère de l'intérieur a publié des chiffres de la délinquance en hausse ? » (Olivier Mazerolle - Le Monde, 24.04.2002).

[6] « Lorsque l’on accuse les médias d’avoir construit Le Pen ou d’avoir traité exagérément l’insécurité, Serge July rejette toute responsabilité. Les questions sécuritaires étaient la première des préoccupation des français, il était normal d’en parler beaucoup […] » (Revue atlantica, Paris, Séguier Editions, numéro spécial, novembre 2003, p. 7-8)

[7] Arrêt sur images : Un lycée trahi par la télé ? - France 5, 04.04.2004

[8] Deux lycéennes exclues de leur établissement pour avoir refusé – en gros – d’enlever leur voile, et depuis lors objet d’une importante couverture médiatique.

[9] Ce qui s’est effectivement produit lors de ce débat là.

[10] Pierre Bourdieu – Sur la télévision – éditions Liber/Raison d’agir, 1996, p.14

[11] Dans « L’œuvre de Pierre Bourdieu »Sciences Humaines, numéro spécial, 2002, p 75

[12] P. Val – « Noam Chomsky dans son mandarom » – Charlie Hebdo, 19.06.2002 ; sur les critiques habituelles contre Chomsky, voir « Noam Chomsky et les médias français » (Acrimed, 23.12.2003, http://www.acrimed.org/article1416.html)

[13] Précision fournie par la proviseur du lycée en question sur le plateau d’Arrêt sur images.

[14] L’existence de ce manque de formation n’est pas qu’une lubie personnelle. Un ancien élève du Centre de Formation des Journalistes, école parisienne de formation des élites du journalisme, en témoigne dans un livre : « [Au CFJ] nous n’apprenons rien, ou si peu, sur le tiers-monde, le libéralisme ou la psychanalyse. Jamais nous ne discutons de la Constitution française, du financement des partis ou des institutions européennes. Nous ne recevons aucune formation sur le fonctionnement de l’Etat ou des collectivités. […] l’enseignement théorique survit à peine. Comme un alibi. Une heure d’histoire le lundi, une autre d’économie, cinq journées sur la justice et c’est tout pour la première année. Puis deux (remarquables) semaines en seconde année, une sur la géopolitique, l’autre sur les religions. Point barre. Des oasis, perdus dans le no man’s land des exercices de style. » (François Ruffin – Les petits soldats du journalisme – Les Arènes, 2003, pp.97-99)

[15] « Education  nationale : réforme impossible » - Pièce à conviction – France 3, 05.06.2003

[16] A titre d’exemple, selon la comptabilisation de l’émission Arrêt Sur Images, le voile islamique a occupé dans les journaux télévisés du soir de TF1, France 2, et France 3, 14'44" (9 sujets diffusés) au cours du mois de septembre 2003, 50'31" (28 sujets) au cours du mois d’octobre 2003, et 31'51" (21 sujets) au cours du mois de novembre 2003. Puis c’est la question de la laïcité qui a été mise en avant, avec 1h23'17'' (53 sujets) au mois de janvier 2004 et 47'42'' au mois de février 2004 (33 sujets). Malheureusement, la comptabilisation n’avait pas été faite, à ma connaissance, pour le mois de décembre 2003.

[17] Alain Gresh, « Islam et médias », www.islamlaicite.org, 2000 ; voir également Alain Gresh - « L’islam au miroir des médias », Le Monde Diplomatique, juin 1997

[18] voir Deltombe Thomas - « L’islam au miroir de la télévision » - Le Monde Diplomatique, mars 2004

[19] Tévanian Pierre - « Campus ou champs de bataille ? » - www.lmsi.net, décembre 2003

[20] CQFD, journal alternatif marseillais (http://cequilfautdetruire.org/)

[21] « L'exclusion le 10 octobre de deux élèves voilées du lycée Henri-Wallon, à Aubervilliers, survient après une intense campagne politique et médiatique qui a fait d'un bout d'étoffe une pelote à cauchemars, dans laquelle s'effiloche la conscience politique de bon nombre d'enseignants pourtant de gauche. A CQFD non plus, on n'a aucune sympathie pour le voile, pas plus que pour la kippa ou le crucifix. Mais on n'en a pas non plus pour ceux qui font payer à des gamines leur trouille des barbus. Sainte victoire de la laïcité : une des fillettes exclues du collège de Flers en 1999 a dû être hospitalisée pour dépression. Et pendant que la Commission Stasi « réfléchit », que les médias médiatisent et que les philosophes philosophent, les discriminations continuent. » (Edito, « dossier foulard » - CQFD n° 5, 17.10.2003). Voir également Hervé Gouyer, « Alibi ostensible », CQFD n°9, février 2004, p.6 (http://cequilfautdetruire.org/laicite/9alibi.html)

[22] « Voile : contre les lois d’exclusion » - Politis, 29.01.2004 ; Voir également Denis Sieffert  - « Voile à l’école : une loi, et après ? » - Politis n°780, 18.12.2003

[23] « Et moi, qui ai constamment dans le passé défendu les jeunes femmes voilées, je veux faire comprendre pourquoi, en signant le rapport de la commission Stasi, j’ai gardé les mêmes idées. […] nous sommes confrontés à la montée d’un islamisme radical qui attaque ce que j’ai défini comme le noyau de la modernité et qui me semble tout à fait éloigné des projets de beaucoup de femmes voilées. […] Je fais l’hypothèse que la loi peut arrêter les mouvements islamistes qui veulent porter atteinte à l’organisation scolaire et hospitalière, mais qu’elle conduira à plus de souplesse, et non à plus de répression, face aux signes personnels d’une foi ou même d’une appartenance. » (Alain Touraine – « Modernité et convictions » - Libération, 07.01.2004)

[24] A la question suivante de L’express, « La violence de la polémique vous a-t-elle fait changer d'avis? », Fadéla Amara répondait ainsi : « Le mouvement Ni putes ni soumises a toujours demandé une clarification. Pour nous, le voile n'a aucune connotation religieuse. C'est le sceau de l'humiliation des femmes. Mais nous étions plutôt partisans d'une circulaire, qui aurait permis de rappeler les règles de la laïcité à l'école sans tomber dans la stigmatisation. […] Puisque nous nous acheminons vers une loi, autant essayer de peser dans les semaines qui viennent pour la faire aller dans le bon sens. » («Le voile, c'est le sceau de l'humiliation des femmes» - L'Express, 11.12.2003)

[25] Alain Accardo - Pour une socioanalyse des pratiques journalistiques, in A. Accardo, G. Abou, G. Balbastre et D. Marine - Journalistes au quotidien. Essais de socioanalyse des pratiques journalistiques - le Mascaret, 1995, pp. 40-41.

[26] Gilles Balbastre – « Une information précaire » - Actes de la recherche en sciences sociales n°131-132, Seuil, 2000, pp.76-85

[27] Alain Accardo, Gilles Balbastre, Georges Abou et Dominique Marine - Journalistes au quotidien, essais de socioanalyse des pratiques journalistiques - Éditions Le Mascaret, Bordeaux, 1995, pp. 63-185. Ce livre, épuisé, peut-être emprunté à la bibliothèque municipale de Bordeaux. Une partie du texte est également disponible sur Internet sur le site de l’Homme moderne : http://www.homme-moderne.org/societe/media/balbastr/quotidien/journal.html

[28] Nicolas Baverez - La France qui tombe – éditions Perrin, 2003 (il existe également en format poche – collection tempus des éditions Perrin -  2004)

[29] Culture et dépendances : « Affaires, terrorisme : les médias en accusation » - France 3, Mercredi 24.03.2004

[30] Pierre Péan et Philippe Cohen – La face cachée du Monde : Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir – éditions Mille et Une Nuits, 2003

[32] « Montpellier, juillet 1999 […] une vingtaine de personnalités confrontent leurs idées sur “les grandeurs et servitudes des médias” pendant plus de huit heures, étalées sur quatre journées. Alain Finkielkraut, Michel Rocard, Blandine kriegel, François Bayrou, Georges Frêche, Roland Cayrol, Jean-Noel Jeanneney sont parmi les intellectuels et hommes politiques qui participent aux “rencontres de Pétrarques”. […] les débats sont de bonne tenue, mais […] les questions gênantes sont contournées. On reste entre gens bien et cultivés qui assènent des références à Hannah Arendt, à la loi de la presse du 29 juillet 1881 ou à Internet ; toute mention culturelle, ou futuriste, sociologisante ou moralisante est la bienvenue. Les intervenants s’inquiètent surtout de l’agressivité des journalistes, mais leur apathie et leur amateurisme face aux puissances établies n’est pas un thème qui les intéresse […] “j’aime bien lire les journaux de province parce qu’ils sont distrayants comme L’Equipe”, confie en aparté le philosophe Alain Finkielkraut, omniprésent à ces rencontres. Le dédain, à l’égard de publications qui devraient avoir une position centrale dans la société française, est révélateur. » (Jean-Pierre Tailleur – Bévues de presse – éditions du Félin, 2002, p.122-124)

[33] Ouest-France.

[34] « La confiance des Français dans les médias » – Sofrès, 5.02.2004 - Enquête réalisée les 14 et 15 janvier 2004 par la Sofrès pour Le Point et La Croix -  http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/050204_confmedias_r.htm A propos de la valeur de ces sondages, on peut se reporter au très instructif article de Patrick Champagne, « L'arroseur arrosé : le «baromètre» sur les Français et les médias » - Acrimed, février 2001 (http://acrimed.samizdat.net/article.php3?id_article=104) ou au chapitre VIII de Bévues de Presse, p.154-157.

[35] http://nouvellesvagues.free.fr ; voir également Le Passant ordinaire (http://www.passant-ordinaire.com/), autre revue alternative Bordelaise.

[36] François Ruffin – Les petits soldat du journalisme – Les Arènes, 2003

[37] Fakir - 34 rue Pierre Lefort, 80000 Amiens - Tél : 03 22 33 04 77 - ruffin@fakirpresse.info – Vous pouvez consulter sur le site Acrimed, un dossier sur Fakir (avec une présentation, un historique, les procès et quelques articles, pour vous faire une première idée) :  http://acrimed.samizdat.net/mot.php3?id_mot=152

[38] Le quotidien régional dominant de la Somme.

 

 

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