Bevues de Presse |
Autre interview de l'auteur |
Essai pour un vrai débat sur le maljournalisme |
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Non, ces mésaventures, amusantes avec le recul, n’ont été
que des révélateurs. La lecture critique de nombreuses enquêtes publiées dans
les journaux constitue le socle sur lequel est établi mon livre. J’ai noté
aussi qu’en France, certaines personnes qui se croient et que l’on présente
comme de grands reporters, n’obtiendraient même pas un 5 sur 20 dans une école
de journalisme américaine. Ce que j’appelle maljournalisme, ce n’est pas tant
leurs «bévues», mais l’omerta, l’absence de critique de leurs supposées
prouesses journalistiques. Pour résumer, mon livre n’est que le résultat d’une
démarche très empirique.
--Vous
avez porté un regard comparatif sur des journaux étrangers. Qu'y avez vous
trouvé d’intéressant, susceptible d'être retenu par les Français?
Je ne considère pas que les grands quotidiens étrangers
soient meilleurs que Le Monde, Le Figaro ou Libération. Je note, simplement,
que dans des démocraties comparables, il y a une meilleure couverture des
médias par eux-mêmes. Nous, Français, aimons beaucoup critiquer les journaux
états-uniens lorsqu’ils commettent des couacs retentissants. Ils peuvent être
bien pires, et bien meilleurs aussi. Nous avons trop tendance à généraliser à
partir de la presse à scandale outre-Atlantique, et à ignorer les longues,
excellentes enquêtes publiées par des publications dont nous n’avons pas
l’équivalent. Du New York Times à Vanity Fair, on peut y lire des articles
souvent plus profonds et mieux léchés qu’en France.
--La presse anglo-saxonne est la seule à pouvoir apporter des leçons?
Non, même dans des démocraties que nous regardons avec trop
de condescendance, on trouve parfois des rédacteurs en chef plus soucieux de
l’intérêt de leurs lecteurs-citoyens. Franco-argentin, je suis à la fois
heureux et désolé de constater que les journaux régionaux du pays de ma mère
sont de manière générale plus «pros» que les quotidiens de province français.
La supériorité des confrères espagnols est encore plus éclatante, et je ne
comprends pas qu’aucun de nos «médiologues» ne se soit vraiment interrogé sur
cela jusqu’à présent. Il est temps, à l’heure où nous utilisons la même
monnaie, de faire des études comparatives et d’en tirer des leçons.
--Les journaux sont-ils assez indépendants des
pouvoirs?
--Vous
dénoncez l'absence d'enquête dans la presse en général, et plaidez pour l'investigation.
N'est ce pas le sensationnalisme que vous recherchez au détriment d'une presse
respectueuse des hommes et des institutions qui sont les piliers de la
démocratie?
Excusez-moi d’être un peu abrupt, mais la confusion que vous
faites entre «investigation» et «sensationnalisme» est un des symptômes du
maljournalisme. Lorsqu’un grand journal ne respecte pas la vie privée ou fait
des révélations parce qu’un juge ou un flic lui a fourni un «package»
d’informations vérifiées parcimonieusement, il ne fait pas d’investigation. Le
jour où, en France, ce terme sera attribué exclusivement à des enquêtes longues
et rigoureuses, le maljournalisme sera peut-être en voie de disparition.
--Vous
êtes sévère à l'égard des titres de la presse quotidienne régionale. Que
reprochez-vous à ces journaux? De mal remplir leur première mission: la couverture de
l’actualité citoyenne locale. Je ne me réfère pas à leurs pages nationales ou
internationales, qui sont des «digest» d’articles fournis par des agences comme
l’AFP. Dans ces quotidiens, l’information de proximité est excessivement
cantonnée dans le suivi complaisant des réunions de chasseurs, des cocktails
d’associations ou des concours de pétanque, pour résumer. On y voit des
Français qui s’amusent comme dans le si décrié Loft story, ou qui écoutent
passivement leurs élus locaux. Ces publications semblent destinées à des
lecteurs qui veulent voir leurs voisins ou leurs cousins en photo. Elles ne se
soucient pas assez de la valeur ajoutée informative des articles publiés. Face
à une si médiocre réalité, la levée de boucliers à laquelle nous avons assisté
à cause de la presse gratuite, me fait beaucoup sourire!
--Que pensez-vous de cette nouveauté, justement?
Je ne sais pas, mais je suis convaincu que c’est dans leur
intérêt. Espérons que mon livre y contribue.
--Le sondage Télérama évalue chaque année la cote de crédibilité des
médias. Finalement, les Français sont moins sévères que vous...
--Comme nombre de vos confrères, vous ne parlez pas des
trains qui arrivent à l'heure. Mais, quels sont selon vous les points forts de
la presse en France?
Je trouve que nous avons des analystes de très haut niveau,
souvent. J’apprécie beaucoup certaines enquêtes de société, publiées dans Le
Monde ou Libération par exemple. Idem pour L’Express et le Nouvel Observateur.
Nos radios et télévisions diffusent aussi d’excellents débats et enquêtes,
comme «Capital» sur la chaîne M6. Une émission de la qualité de «L’esprit
public», sur France culture, avec Philippe Meyer, Jean-Claude Casanova et Max
Gallo, je ne crois pas qu’il y en ait beaucoup dans d’autres pays. J’ai
d’ailleurs recommandé à la plupart de mes amis francophones vivant à
l’étranger, de l’écouter sur internet. (Questions de Laurent Lesage, mars 2002)
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